Aujourd’hui, en ces temps troublés de renouvellement de mon
visa et alors que je sombre une fois de plus dans les affres de la
bureaucratie, je fais l’effort de mettre fin au suspense insoutenable qui vous
tenaille.
Ce mardi fatidique, en apprenant que ma carte ne marche pas,
je réponds tout simplement : « OK, je reviens avec du cash
alors. »
Car il me suffit d’aller retirer au distributeur…
…n’est-ce pas ?
Je me précipite donc à l’ATM le plus proche – quelques blocs
plus loin – dans l’optique de le dévaliser. Comme la machine m’oppose
cruellement un plafond de retrait, je dois empocher l’argent en plusieurs
opérations distinctes : une fois, deux fois…
Et la BIM ! Fonds insuffisants. « Quelle est cette
sorcellerie, pensé-je, cela ne se peut ! Moi, moi qui croule sous
l’or ! » (Ah, voilà, j’en vois venir avec leurs sourire angélique et
leurs « tu sais que tu as toujours été mon meilleur ami ? ».
Premièrement quand je dis "crouler", c’est une énorme supertasse hyperbole, et surtout je suis un
radin notoire.)
J'avais bien fait la démarche d'augmenter le plafond de retrait avant de quitter la France, mais apparemment il n'était pas encore assez haut. A ce jour je n'ai toujours pas très bien compris où j'en suis.
J'avais bien fait la démarche d'augmenter le plafond de retrait avant de quitter la France, mais apparemment il n'était pas encore assez haut. A ce jour je n'ai toujours pas très bien compris où j'en suis.
A ce stade là, c’est la panique totale, je ne sais pas
comment je vais pouvoir payer le jour-même. Je décide donc d’aller ouvrir mon
compte en banque à la Bank of China, formalité que j’avais soigneusement oublié
de remplir jusque là, pour cause de procrastination aigue. En effet, me dis-je,
avec un compte en banque, je peux transférer de l’argent en 24h environ, ce qui
résout le problème.
Je m’adresse donc à un employé (en anglais bien sûr), qui me
remet gentiment un formulaire à remplir.
Formulaire chinois, écrit en chinois, à remplir en chinois.
Je commence à déchiffrer, mais abandonne au bout de 10.2
secondes pour courir à ma chambre et traduire la feuille dans son intégralité,
à tête reposée et à main armée (d’un dictionnaire).
Sauf qu’évidemment, pour que les banques acceptent de
m’ouvrir leurs portes, il me faut un numéro de téléphone. Formalité qui –
oh ! Quelle surprise – m’était également sortie de la tête. Je sprinte
donc jusqu’au kiosque à journaux le plus proche pour acheter une carte SIM.
Par chance pour l’ignare que je suis, j’ai avec moi un petit
livret d’accueil fourni le matin même, lors de l’inscription, qui me recommande
chaudement un certain forfait.
Devant moi, en train de parlementer avec le vendeur, se
trouve un autre étranger, aidé de deux étudiants chinois – ou arnaqué avec leur
complicité, c’est à voir. J’interromps leur laborieuse discussion et demande en
chinois la carte que je veux, m’enquiers du prix et boucle la transaction en 15
secondes chrono.
Résultat : l’étranger croit que je suis parfaitement au
fait des différentes options de télécommunications chinoises et me demande si
je peux l’aider, ce à quoi je réponds : « non », avant de
m’enfuir en courant (en vrai j’ai été légèrement plus poli, parce qu’en me
prenant pour un connaisseur il avait flatté mon égo de sinisant débutant).
Je réapparais donc triomphant au seuil de la banque, le
sourire aux lèvres, brandissant bien haut mon formulaire rempli et mon
téléphone fonctionnel.
Mais je ne sais pas quoi en faire, moi, du formulaire. J’interroge
donc une employée qui me rit au nez (minute éducative : le rire est
parfois signe de gêne chez les Chinois) avant de me confier à des étudiantes qui
passent par là et sont capables de parler anglais.
En fait je dois prendre un ticket et attendre mon tour.
J’attends dix minutes et, voyant la lenteur avec laquelle la
horde de clients est prise en charge, je me lasse et décide de revenir deux
heures plus tard.
Mais sur le chemin de ma chambre j’apprends que les
transferts mettent en réalité non pas 24h pour arriver mais une dizaine de
jours, ce qui rend complètement inutile la solution que je pensais avoir
trouvée à mes problèmes de paiement.
Je rampe donc jusqu’à ma chambre, abattu, persuadé que
Tsinghua va m’expulser et que je vais finir à la rue. Je lance des appels à
l’aide à la France via Internet interposé, sauf que bien entendu, avec le
décalage horaire mes sauveurs potentiels roupillent tous profondément. Je me
vois obligé de me connecter sur le site de ma banque pour « tchater »
avec une « conseillère » (c’est beau la technologie). Je lui demande
donc de relever mon plafond de retrait hebdomadaire, avant de pouvoir finalement
pleurnicher auprès de mes parents qui en remettent une couche auprès de mon
établissement bancaire, au cas où.
Comme la manœuvre ne prend pas effet immédiatement, je
retourne en tremblotant au guichet du pognon pour demander un délai un peu plus
long. Une personne différente – plus jeune et parlant anglais – m’accueille et
me dit : « ben oui, t’as qu’à revenir vendredi en fait ».
Conclusion : j'ai couru partout pour rien.