mardi 9 avril 2013

Mes profs (fall semester) - part 2

Je ne commenterai pas le fait que cet article ait été écrit dans son intégralité il y a environ 2 mois, et que mon énorme retard est entièrement dû à ma tendance à repousser chaque jour un peu plus la date à laquelle je dois finir de l'illustrer et de le mettre en forme.

Après ce non-commentaire, poursuivons.








La prof de listening est la raison qui m’a fait rester dans ma classe au début du semestre, grâce à ses cours ou l’ennui n’avait tout simplement pas sa place. Si les exercices audio du livre étaient plutôt bons en eux-mêmes - malgré le concert de grésillements du CD - c’était bien elle qui donnait tout leur intérêt aux cours en occupant la quasi-totalité du temps de classe à parler au rythme de 10 mots/seconde. Chacune de ses leçons était passionnante et je n’ai probablement jamais été aussi attentif en cours de toute ma vie.

Mais voilà, à force de voir grossir et grossir cette jeune enseignante pourtant très soucieuse de son apparence, il a fallu se rendre à l’évidence : tôt ou tard, elle allait nous plaquer pour un maudit BAMBIN.

C’est ainsi qu’un peu plus d’un mois avant la fin des cours, elle fut remplacé par un jeune prof pas encore diplômé, tout droit sorti de la cambrousse du Shandong, comme il nous l’a longuement exposé lors de son premier cours, à grand renfort de photos qu’il avait prises des champs de céréales de son village natal, ainsi que des patates de son jardin potager.

C’est là que l’horreur a commencé. L’horreeeeeuuuuur !

Bon déjà, crime impardonnable, il n’arrêtait pas de me réprimander dès que j’ouvrais la bouche (du genre : « tu as pris mon stylo par erre… » « TIANXIANG Y FAUT PAS PARLER *clapement de mains* »). Pourquoi parlerais-je, me direz-vous ? Pourquoi parlerais-je, moi qui, autrefois, répondais sèchement « chut » à mon voisin dès qu’il m’adressait la parole pour ne pas perdre une miette de ce que disait la prof précédente ? Parce que le cours de ce nouveau professeur était MINABLE. MinaaaâAaahaable.

Je vous ai fait un petit tableau comparatif des méthodes utilisées par les deux enseignants.


Je conclurai en vous annonçant que j’ai trouvé un portrait de lui sur le web :

C’est donc très déçu que j’ai terminé mon semestre avec non plus 2 mais 1 seul bon cours sur 3. Et ce cours est le cours de…




Cette prof en revanche n’a fait que monter dans mon estime. Moi qui la trouvais au départ peu pédagogue (me fixant sur le fait qu’elle nous faisait prononcer en chœur nos réponses individuelles, forcément différentes les unes des autres, ce qui finissait souvent en eau de boudin tintamarresque), elle s’est en réalité avérée être une des meilleures profs que j’ai connues.

Agée d’à peine 23 ans (donc en dessous de la moyenne d’âge de la classe), elle a commencé, à partir de la seconde moitié du semestre, à venir jouer aux cartes ou au badminton avec nous, ainsi qu’à nous accompagner aux dîners de classe (fêtant même le nouvel an avec nous), et ce jusque dans les karaokés et dans les bars - ce qui suffisait largement à s’attirer la sympathie de la plupart de mes camarades. Mais là où je trouve qu’elle faisait très fort c’est que malgré cette proximité avec les étudiants, elle parvenait à maintenir toute notre attention pendant les cours grâce à ses méthodes d’enseignement irréprochables d’une part, et grâce à son humour et son dynamisme d’autre part.

Explications claires, exercices variés, mise en pratique permanente, tout était réuni pour rendre ses cours efficaces et intéressants.

Au lieu de demander « quiiiiii veut répondre, quiiiii ? » à l’instar de Professeur Vieille, elle nous désignait, ce qui en d’autres conditions auraient été un acte punitif d’une HORRIBLE cruauté, mais ne l’était pas parce que :

- Ses questions reprenaient le vocabulaire étudié mais portaient quasi-exclusivement sur les passionnants êtres humains que nous étions - surtout moi - et étaient donc relativement faciles à répondre puisqu’il suffisait de raconter sa vie au lieu de zieuter bêtement un texte à la recherche d’une phrase. Astuce qui lui permettait d’ailleurs de mieux nous connaître (et deux mois plus tard elle se souvenait toujours de nos réponses, par exemple du nom de notre animal de compagnie quand on avait 4 ans ou de notre goût pour le maïs cuit au BBQ*).

*exemples non véridiques

- Même si elle interrogeait les élèves à parts égales pour que chacun ait sa dose d’entraînement oral, elle nous scrutait de ses yeux lunettés de lynx myope pour repérer ceux qui avaient envie de répondre. Elle nous connaissait suffisamment pour détecter d’un simple échange de regard si nous avions quelque chose d’intéressant à dire (ou alors c’était un pur hasard à chaque fois mais comme elle est cool je lui prête volontiers ce superpouvoir).

- Quand on ne savait pas quoi répondre, quand notre chinois approximatif nous faisait dire des énormités ou quand on était tout simplement à côté de la plaque, elle trouvait toujours une blague pour faire rire la classe et épargner notre honneur avant de passer à quelqu’un d’autre.

En plus des cours habituels et des travaux de groupes ponctuels, nous avions parfois des exposés à faire ou encore des devoirs du type « allez interviewer un vendeur de vélos ».

Elle était tellement cool que lors de l’exposé « sondage de 5 chinois sur leurs passe-temps », n’ayant interrogé que 4 personnes, je n’ai pas hésite à sortir ce slide :


J’ai présenté ce 5e personnage comme « mon ami imaginaire », répondant au doux nom de « riche grenouille pigeon-rrrr ah » (transcription phonétique maison de « foie gras »), qui n’a pas de temps libre parce que son métier d’éleveur de chameau l’occupe 7 jours sur 7. Malheureusement personne n'a compris la blague.

Bref, c’était un véritable cours de speaking dans la mesure où on pratiquait constamment et sans crainte ; c’était notre alliée et c’est vers elle que nous nous dirigions pour écarter le flou laissé par Professeur Vieille dans les leçons de General Chinese. D'ailleurs, niveau flou, Professeur Vieille était presque une spécialiste mondiale, et notre prof de speaking bien-aimée avait fort à faire... Un peu comme dans Les Experts : Miami, quand ils doivent zoomer à 2360% pour distinguer le reflet du criminel dans la photo du bouton de manchette de la victime.

Et même si c'était notre amie, nous la respections beaucoup - sauf peut-être mon voisin de cours en rut qui multipliait les tentatives de drague toutes plus nulles les unes que les autres, et qui ne récoltait que les rires de la classe à chaque fois qu’il se faisait rembarrer par une vanne bien sentie.

Comme beaucoup de jeunes Chinois, son ambition est de quitter la Chine (phénomène intéressant par ailleurs), et elle est en bonne voie puisque l'an prochain, elle ira enseigner le mandarin dans le Michigan au sein du Confucius Institute. C'est tout ce qu'elle mérite : la réalisation de son rêve d'expatriation d'une part (parce qu'en tant que prof elle déchire sa race tavu), et l'exil au fin fond de la cambrousse américaine d'autre part (parce qu'aujourd'hui elle trouve des excuses pour ne pas revoir ceux d'entre nous qui sont restés au deuxième semestre).

Conclusion : n'ai-je pas pris suffisamment de retard ? Faut-il EN PLUS que je prenne le temps d'écrire une conclusion ? Je refuse.