Avant de commencer les cours à proprement parler, il faut
passer par l’étape du placement test, un simple contrôle supposé évaluer les
nouveaux étudiants pour les répartir en classes de niveaux.
J’attendais cette épreuve depuis des mois. Je m’étais promis
de réviser mon chinois de manière assidue pendant les vacances d’été. Et malgré
mon stage, malgré mon entraînement intensif à l’auto-école, j’ai effectivement
et avec toute la bonne volonté du monde fini par ouvrir un manuel de chinois
pour réapprendre avec application à dire « bonjouuuuur, je m’aaa-ppelle
Dawei ».
Dawei, c’est la transcription phonétique de David. Ouvrez
n’importe quel manuel de chinois, N’IMPORTE LEQUEL, et vous verrez que le
personnage principal du livre, c’est Dawei. Il est un peu LE spécialiste
mondial de l’apprentissage du chinois, et accessoirement une sorte d’inside
joke pour les apprenants, tout comme Mali (Mary), qui remplace épisodiquement Dawei
pour des questions de parité.
Bref tout ça pour dire que je suis reparti du B-A-BA pour
être sûr d’avoir les bases, tout en paniquant parce que zOMG ma deadline
approchait et que je n’allais pas être prêt à temps et que j’allais me
retrouver dans une classe de niveau négatif etc. etc.
C’est donc tout naturellement que le jour du test, j’avais
révisé environ 5% de tout ce que j’avais appris en 3 ans au lycée.
J’arrive cependant dans la salle qui m’a été assignée et
m’installe au milieu des asiatiques qui sont occupés à foisonner et à abonder
un peu partout et ne me prêtent pas attention (à ce stade j’ai l’impression
d’être le seul occidental de tout le programme).
Et là l’épreuve commence.
D’abord, une partie écrite où il faut écrire des caractères
à partir de la phonétique ou inversement, répondre à des questions sur un texte,
etc. Je fais ce que je peux et trace mes caractères avec mon écriture digne
d’un petit chinois de moyenne section de maternelle, qui écrirait avec ses
orteils, voire avec ses oreilles.
Ensuite, une partie "compréhension orale" que je décrirai à l’aide d’un
exemple :
D’abord, lisez la question suivante :
Quand Dawei a-t-il joué au tennis ?
A. Lundi à 7 : 00
B. Mardi à 7 : 00
C. Lundi à 19 : 00
D. Vendredi à 5 : 00
B. Mardi à 7 : 00
C. Lundi à 19 : 00
D. Vendredi à 5 : 00
Ecoutez maintenant l’enregistrement suivant :
(Et là il est essentiel de préciser que l’enregistrement
n’est pas du genre de ceux que j’écoutais au lycée, où ils parlent aussi
lentement que s’ils s’adressaient à des pingouins séniles atteints de surdité.
Non non, le rythme de cet enregistrement là est quasiment aussi rapide que si
tu parlais à un chinois, et il faut savoir que les chinois ne font aucun effort
quand ils te parlent, c’est-à-dire que pour eux soit tu es bilingue direct,
soit tu ne sais pas parler et tu n’as qu’à rentrer dans ton pays sale
laowai !).
Bref revenons à l’enregistrement :
« Mali a joué au tennis le vendredi à 5 : 00. Et
Dawei ? Oh, il a joué deux jour avant son arrière-grand tante du côté
maternel qui elle-même a joué un jour après Wang Laoshi. Et Wang Laoshi ?
Oh, mais il a joué mardi à 7 : 00 bien sûr ! »
S’ensuit une pause de 0,4 secondes qui te laisse à peine le
temps de computer tout ce que tu viens d’entendre (bien entendu tu t’es
bêtement concentré sur la première phrase, la seule simple à comprendre, mais
qui – manque de chance ! – concerne cette sale parvenue de Mali et non pas
notre bien-aimé Dawei).
Je réponds donc à environ 20% des questions, en fonction de ce que je comprends mais aussi et surtout suivant le raisonnement suivant :
Au final j’ai eu 0 sur 500 en compréhension orale.
(Soit au-dessous d’un certain seuil ils ne comptabilisent
même pas, soit il y avait des points négatifs. Dans tous les cas, vous pouvez
vous prosterner devant ma nullité).
Pas que ça soit d’une importance quelconque au final puisqu’entre
les deux tests je dois remplir un formulaire pour expliquer combien de temps
j’ai étudié le chinois et auto-estimer mon niveau. Dans deux-trois salles
bondées sont exposés les manuels utilisés par les différentes classes, et tous
les futurs élèves doivent donc se frayer un passage dans la foule pour les
consulter à la pause. Après quelques minutes de feuilletage effréné, je reviens
à mon formulaire pris d’un grand doute.
Bon, déjà, mettons de côté le fait qu’après 3 ans de chinois
je n’atteins même pas les classes « intermediary ».
Mais en plus j’hésite entre elementary 2 (donc juste au
dessus des elementary 1, ces gros bouseux de débutants) dont je comprends le
livre, ou pre-intermediate dont je ne comprends pas trop trop le livre mais qui
est juste mieux côté self-estim.
Après un débat intérieur mouvementé, la mort dans l’âme,
alors que le ciel s’assombrit, j’abats tristement mon stylo, comme la lame
d’une guillotine, sur la case « elementary 2 », tandis qu’en fond
sonore résonnent mille sanglots lointains et un interminable coup de tonnerre
(j’essaie de vous mettre dans l’ambiance, c’est pas facile).
Car c’est bien cette case qui allait déterminer le niveau
dans lequel j’allais être catapulté…
Le premier qui relève que j’avais promis de raconter le
début des cours et que je ne l’ai pas vraiment fait est un méchant ! Oui, UN MECHANT !