vendredi 25 janvier 2013

Le Placement Test


Avant de commencer les cours à proprement parler, il faut passer par l’étape du placement test, un simple contrôle supposé évaluer les nouveaux étudiants pour les répartir en classes de niveaux.

J’attendais cette épreuve depuis des mois. Je m’étais promis de réviser mon chinois de manière assidue pendant les vacances d’été. Et malgré mon stage, malgré mon entraînement intensif à l’auto-école, j’ai effectivement et avec toute la bonne volonté du monde fini par ouvrir un manuel de chinois pour réapprendre avec application à dire « bonjouuuuur, je m’aaa-ppelle Dawei ».

Dawei, c’est la transcription phonétique de David. Ouvrez n’importe quel manuel de chinois, N’IMPORTE LEQUEL, et vous verrez que le personnage principal du livre, c’est Dawei. Il est un peu LE spécialiste mondial de l’apprentissage du chinois, et accessoirement une sorte d’inside joke pour les apprenants, tout comme Mali (Mary), qui remplace épisodiquement Dawei pour des questions de parité.

Bref tout ça pour dire que je suis reparti du B-A-BA pour être sûr d’avoir les bases, tout en paniquant parce que zOMG ma deadline approchait et que je n’allais pas être prêt à temps et que j’allais me retrouver dans une classe de niveau négatif etc. etc.

C’est donc tout naturellement que le jour du test, j’avais révisé environ 5% de tout ce que j’avais appris en 3 ans au lycée.

J’arrive cependant dans la salle qui m’a été assignée et m’installe au milieu des asiatiques qui sont occupés à foisonner et à abonder un peu partout et ne me prêtent pas attention (à ce stade j’ai l’impression d’être le seul occidental de tout le programme).

Et là l’épreuve commence.

D’abord, une partie écrite où il faut écrire des caractères à partir de la phonétique ou inversement, répondre à des questions sur un texte, etc. Je fais ce que je peux et trace mes caractères avec mon écriture digne d’un petit chinois de moyenne section de maternelle, qui écrirait avec ses orteils, voire avec ses oreilles.

Ensuite, une partie "compréhension orale" que je décrirai à l’aide d’un exemple :

D’abord, lisez la question suivante :

Quand Dawei a-t-il joué au tennis ?

A. Lundi à 7 : 00
B. Mardi à 7 : 00
C. Lundi à 19 : 00
D. Vendredi à 5 : 00 

Ecoutez maintenant l’enregistrement suivant :

(Et là il est essentiel de préciser que l’enregistrement n’est pas du genre de ceux que j’écoutais au lycée, où ils parlent aussi lentement que s’ils s’adressaient à des pingouins séniles atteints de surdité. Non non, le rythme de cet enregistrement là est quasiment aussi rapide que si tu parlais à un chinois, et il faut savoir que les chinois ne font aucun effort quand ils te parlent, c’est-à-dire que pour eux soit tu es bilingue direct, soit tu ne sais pas parler et tu n’as qu’à rentrer dans ton pays sale laowai !).

Bref revenons à l’enregistrement :

« Mali a joué au tennis le vendredi à 5 : 00. Et Dawei ? Oh, il a joué deux jour avant son arrière-grand tante du côté maternel qui elle-même a joué un jour après Wang Laoshi. Et Wang Laoshi ? Oh, mais il a joué mardi à 7 : 00 bien sûr ! »

S’ensuit une pause de 0,4 secondes qui te laisse à peine le temps de computer tout ce que tu viens d’entendre (bien entendu tu t’es bêtement concentré sur la première phrase, la seule simple à comprendre, mais qui – manque de chance ! – concerne cette sale parvenue de Mali et non pas notre bien-aimé Dawei).

Je réponds donc à environ 20% des questions, en fonction de ce que je comprends mais aussi et surtout suivant le raisonnement suivant :


Au final j’ai eu 0 sur 500 en compréhension orale.

(Soit au-dessous d’un certain seuil ils ne comptabilisent même pas, soit il y avait des points négatifs. Dans tous les cas, vous pouvez vous prosterner devant ma nullité).

Pas que ça soit d’une importance quelconque au final puisqu’entre les deux tests je dois remplir un formulaire pour expliquer combien de temps j’ai étudié le chinois et auto-estimer mon niveau. Dans deux-trois salles bondées sont exposés les manuels utilisés par les différentes classes, et tous les futurs élèves doivent donc se frayer un passage dans la foule pour les consulter à la pause. Après quelques minutes de feuilletage effréné, je reviens à mon formulaire pris d’un grand doute.

Bon, déjà, mettons de côté le fait qu’après 3 ans de chinois je n’atteins même pas les classes « intermediary ».

Mais en plus j’hésite entre elementary 2 (donc juste au dessus des elementary 1, ces gros bouseux de débutants) dont je comprends le livre, ou pre-intermediate dont je ne comprends pas trop trop le livre mais qui est juste mieux côté self-estim.

Après un débat intérieur mouvementé, la mort dans l’âme, alors que le ciel s’assombrit, j’abats tristement mon stylo, comme la lame d’une guillotine, sur la case « elementary 2 », tandis qu’en fond sonore résonnent mille sanglots lointains et un interminable coup de tonnerre (j’essaie de vous mettre dans l’ambiance, c’est pas facile).




Car c’est bien cette case qui allait déterminer le niveau dans lequel j’allais être catapulté…

Le premier qui relève que j’avais promis de raconter le début des cours et que je ne l’ai pas vraiment fait est un méchant ! Oui, UN MECHANT !

lundi 14 janvier 2013

Fourre-tout


Un nouvel article ! Youpi ! C’est la fête !!

Oui mais c’est un article de remplissage.

Je ne vous souhaite d’ailleurs pas une bonne année, car ça ne ferait que souligner le fait que nous sommes en janvier et qu’en suis encore à relater les premiers jours de septembre.

Bon, reprenons : avant le début de cours, j’ai un peu l’impression de m’être catapulté sur une île déserte. Certes, il y a plein de gens, mais c’est des gens chinois. La plupart des étudiants étrangers ont été plus perspicaces que moi et ont compris qu’il ne sert à rien d’arriver plusieurs jours en avance.



Je fais donc très peu de rencontres et reste solitairement prostré dans ma chambre le plus clair de mon temps, branché sur Internet, à manger mes nouilles instantanées devant des séries américaines décérébrantes. J’effectue quand même quotidiennement un raid d’exploration du campus, poussant toujours plus loin les recherches. Quand je sors, j’observe que d’autres allochtones ont débarqué et galèrent comme moi à communiquer avec les Chinois.

Galère est bien le mot ! Prenons comme exemple le jour où je me suis décidé à aller acheter un vélo. Je m’étais préparé psychologiquement à marchander avec une détermination farouche pour obtenir un bon prix, voire à me battre à mort avec les vendeurs s’il le fallait.

Je me pointe donc un beau jour au petit magasin que j’avais repéré. Je demande au couple de propriétaire, dans mon chinois rudimentaire, s’ils ont des vélos à vendre, ce à quoi on me répond : « ouais, celui-là ».
Et là, comme je suis un faible et qu’en plus à l’époque le moindre mot en mandarin m’est difficile, tout s’enchaîne très vite :

« Quel prix ? Ah, OK. Je prends. Cadenas ? Quel prix ? Ah, OK. Je prends. Au revoir. »

(J’espère que vous avez pris note de mes supers techniques de marchandage).

Bien évidemment, comme on est en Chine, après avoir pédalé environ 34 secondes sur ma bicyclette (oui, je suis prêt à ressortir des mots désuets pour ne pas faire de répétitions), le guidon se dévisse à moitié et je suis obligé de le tenir perpendiculairement à la direction dans laquelle je me déplace.

Je retourne donc voir les vélo-tistes qui me réparent le tout en s’excusant, ce qui ne change rien au fait que mon vélo n’a ni panier, ni sonnette, ni vitesses, et qu’il pèse environ 62g tellement qu’il est fait en plastique, voire en mousse.

Depuis, j’ai effectivement fait quelques progrès (et je n’ai pas eu besoin de retourner au magasin ce qui relève du miracle, je dois faire partie du 1% d’élus ou quelque chose comme ça). Des progrès mesurables puisque je peux plus ou moins me faire comprendre, et il m’est même arrivé une fois de marchander des vêtements (le plus dur étant de savoir quel est le prix réel des marchandises chinoises). Désormais, je comprends le prix que m’annoncent les caissières au moins une fois sur deux (pour ma défense, leur articulation est proportionnelle à leur amabilité. Et sur une échelle de 0 à 10, je noterais leur amabilité à disons, hmm, -3).

Mais il y a une catégorie de Chinois avec laquelle toute communication reste impossible (enfin si, elle est possible mais unilatérale : je me fais comprendre mais je ne comprends rien). Une sorte de boss de fin de niveau si vous voulez, quasiment imbattable.

Ce boss, c’est le chauffeur de taxi.



Il faut savoir qu’à Beijing il y a ce qu’on appelle le « 儿化音 », ce que je traduirais à la louche par « accent du  », sachant que ce caractère se prononce comme le « r » américain. Théoriquement, ça veut dire qu’à la fin de certains mots on rajoute un « r ». Une sorte de suffixe qui rend les choses plus euh… sympathique. On va dire ça.

Mais certains Pékinois sont carrément au niveau supérieur, c’est-à-dire qu’ils ont un dialecte complet basé exclusivement sur cette particularité de prononciation. Pour faire clair, ils parviennent à intercaler entre chaque son un bon gros « r », voire à prononcer simultanément « r » et tout autre son de la langue chinoise. Techniquement, ça signifie que les chauffeurs de taxis (et une bonne partie de la population pékinoise) parlent comme s’ils étaient à la fois en train d’aboyer, de manger des caramels mous et de se faire arracher une ou deux molaires.



Voilà la fin de cet article fourre-tout - mais réjouissez-vous : dans le prochain épisode... Le début des cours ! (non non, vous ne rêvez pas, et merci de ranger votre scepticisme !)