C’est dans l’urgence la plus absolue que j’écris cette article, tout simplement… parce qu’il… faut… que… je poste… avant la fin du mois de janvier. Histoire de redépasser la barre des 2 articles par mois. J’en viens sérieusement à me demander si je ne me dopais pas en octobre. 7 articles ? Vraiment ?
Comme vous pouvez le constater, j’ai échoué ultralamentablement.
Ce qui démontre bien quelque chose :
NON PAS le fait que je sois une grosse flemmasse (m’enfin !)
MAIS BIEN le fait que chacun de mes articles demande énormément de travail.
Vous croyez que je fais naturellement preuve d’humour ? Mais enfin, en
vrai vous savez bien je suis ennuyeux à pleurer. Il me faut des semaines de
brainstorming, des jours entiers de réécritures successives et plusieurs heures
de dessin pour arriver à vous fournir cinq minutes de lecture ! C’est le
prix à payer pour pondre des articles dignes de vos yeux quasi-divins (et surtout
parce que si la qualité de ce que j'écris était ne serait-ce que deux fois moins élevée, la plupart d’entre vous ne viendraient jamais me lire, je vous
connais !).
Bref, reprenons notre merveilleuse
histoire.
Le lundi 10 septembre à l’aube (oui, je raconte le 10
septembre, je sais que je suis en retard ok ?), je suis supposé pouvoir me
connecter sur l’intranet de Tsinghua afin de consulter mes résultats et
connaître ma classe !
Il convient de noter qu’à ce moment, je n’ai toujours pas
payé l’université. En effet, à cause des plafonds qui me sont imposés, je
retire mes frais de scolarité petit à petit et accumule progressivement une
liasse de billets digne d’un braqueur de banque. Mais le vendredi où je suis
supposé retourner au bureau du pognon, il me manque, disons, 1 billet de 100
RMB, sur les 12 900 RMB que coûte le semestre, ce qui n’est pas frustrant du tout, j’ai simplement envie de donner
des coups de hache amicaux à mon pote l’ATM.
Bien sûr, si j’avais une bonne mémoire, je me serais rappelé
qu’immédiatement après être arrivé en Chine j’avais planqué un peu d’argent
dans ma chambre, et j’aurais donc pu payer quand même. Mais vu que l’état de
mon cerveau est approximativement celui d’une truite atteinte d’Alzheimer, je
passe tout mon week-end à m’étouffer de rage sur mes nouilles instantanées (oui, encore, il
faut bien que j’économise pour pouvoir payer).
Faisant abstraction de ce détail pécuniaire, je me réveille
survolté en ce matin de septembre et allume mon ordinateur, qui m’annonce
fièrement : « nan mais t’as pas payé mon coco, si tu veux avoir une
classe viens nous voir au bureau fissa ! ».
Je file donc au bureau du language program, persuadé qu’on va me renvoyer dans le premier
avion pour la France, dans la soute, avec une étiquette « hors-la-loi
non-payeur de frais de scolarité » collée sur le front. On m’y annonce en
fait qu’il faut juste que j’aille payer si je veux qu’on mette fin au suspense
insoutenable qui me tenaille.
Je retire donc les 100 RMB manquants et vais ENFIN remettre
ma liasse de gangster à la mégère du bureau du pognon. En revenant au language
program, on met fin à la rétention d’information dont je suis l'innocente victime en m’écrivant ma classe sur un
bout de papier : Elementary 2 (exactement la case que j'avais cochée, rappelez-vous), classe B, l’après-midi (à Tinsghua on a
cours soit le matin de 8 à 11h40, soit l’après-midi de 13 à 16h40, et ce 5
jours par semaine).
Je vais donc.
Enfin.
Parler de mes profs.
En
Elementary 2, on a 3 cours : listening, speaking, et general chinese.
Mon premier cours est listening. Je m’assois gentiment à
côté d’un Américain sympa, attends sagement le début du cours et là BAM la prof
débarque et se met à nous parler à un rythme quasi-conversationnel, ce qui pour
des élèves de notre niveau revient plus ou moins à nous faire imploser les
oreilles par surcharge auditive. Malgré tout, une fois passé le choc de départ,
et au prix d’une concentration extrême voire surhumaine, je comprends à peu
près 70% de ce que l’enseignante dit et me rassure donc.
Mais là, c’est le drame : en guise d’entraînement, nous
écoutons un CD infâme dont l’audio est
si indistinct qu’on dirait qu’on a immergé le poste de radio dans un bac
d’eau histoire de lui apprendre à nager (pourquoi pas après tout, ça peut
servir). Résultat : 3/10 à l’exercice de compréhension. La prof en rajoute
en assénant : « si vous connaissez à peu près 70% des mots nouveaux
du livre, c’est bien, en dessous il faut descendre d’une classe, au-dessus il
faut monter. »
Car oui, enfin non,
les classes ne sont pas définitives, nous avons jusqu’au jeudi pour tester
différentes classes et choisir celle qui nous ira comme un gant de poisson dans
l’eau (il faut juste passer un mini-test si on veut monter de niveau).
Mais à ce stade-là, je me dis que le cours de listening a
certes du challenge, mais me laisse une marge de progression. Et je reste dans
ma classe.
Le cours de speaking, en revanche, n’est pas du tout
pareil !
Ma première impression, c’est que la prof parle très
lentement, un peu comme si on était des autruches perturbées, et la leçon me
parait beaucoup moins dynamique, malgré les petites blaguounettes de la jeune
enseignante. Dans l’ensemble, le cours est bon, mais un doute pernicieux s’installe
en moi.
Le mercredi matin, je teste donc sans conviction une
autre classe Elementary 2, mais du matin, car je ne veux pas avoir cours
l’après-midi (ce n’est pratique pour visiter
Beijing, ce qui est un des mes objectifs principaux). Mais le cours s’avère trop
facile et peu intéressant.
Je retourne donc dans ma classe d’origine l’après-midi et
découvre ma troisième et dernière prof, la prof de general chinese. Et force
est de constater qu’elle est assez assortie à sa matière : chiante.
Ses premiers mots sont : "boujour, je m’appelle
Professeur Unetelle, alors on a quatre contrôles dans l’année, deux gros et
deux petits, notés et coefficientés de la manière suivante…"
Et après nous avoir exposé en détails le déroulement des
examens (ainsi que son irrémédiable psychorigidité), elle enchaîne sur un cours/powerpoint
qu’elle déballe d’une voix monotone, et qui est sans doute le même depuis dix
ans - ou trente ans même, car qui sait depuis combien de millénaires cette dinosauresse enseigne le chinois ?
Cette classe étant aussi quelque peu facile, je décide de
poursuivre mes expérimentations classesques le lendemain matin.
Le jeudi, mon égo reboosté me prend donc par la main et m’entraîne
avec enthousiasme dans une classe de pre-intermediate, où il est accueilli avec
une baffe dans la gueule.
Clairement je ne comprends pas tout et je galère pour lire
le manuel, ce qui ne serait pas dramatique en soi si les autres élèves
n’avaient pas tous l’air d’être parfaitement à leur aise.
Je retourne donc dans ma classe et décide d’y poser mes
fesses définitivement, plus ou moins sûr de mon choix (2 bonnes profs sur
3, me dis-je, c’est pas mal).
Jusqu’à ce que je découvre qu’en ce jeudi 13 septembre 2012,
ma classe a été désertée : seuls 8 rescapés ont décidé de rester fidèles.
Les autres, qui allaient et venaient d’une classe à l’autre, ont sans doute
pris la fuite devant l’ennui mortel que représente la classe de general
chinese.
Le problème, c’est qu’à ce moment là, techniquement je peux encore
changer, mais vu que je n’ai pas trouvé de classe plus adaptée à mon niveau, je
suis plus ou moins condamné à rester où je suis, ce à quoi je réponds en
activant mon « mode tragique » (c’est-à-dire que je me déplace
partout avec mon petit nuage pluvieux personnel au dessus de la tête et me
plains 24h/24).
Il faut reconnaître que huit étudiants c’est peu, c’est
vraiment très peu, moi qui rêvais de faire mille rencontres et de me confronter
à des horizons différents. Au final le seul horizon que j’ai c’est le tableau
de notre salle exiguë, puisqu’on a LA classroom la plus pourrie, avec les
fenêtres dans le dos et la vue qui donne sur rien du tout. En bref, à ce moment j’ai
l’impression de manquer de pot et je sens que ce semestre va être très
différent de ce que j’ai pu imaginer.
Et en effet, il l’a été. Je n’ai pas changé de classe, mais
aujourd’hui je réalise que c’est probablement une bonne chose. Je n’y ai
effectivement pas rencontré beaucoup de monde, mais j’y ai sans doute rencontré
les bonnes personnes.
Ce que j’expliquerai dans les prochains articles !