Non non, je n’ai toujours pas lâché l’affaire.
Spéciale dédicace à Cunégonde-Bertrande Ltd., la
meilleure agence de com’ au monde, et aux nombreux lecteurs qu’elle m’a rapporté
(kikou C, G et M !)
Je vais vous raconter Qingmingjie.
Qingmingjie, c’est un jour férié, et par extension
une période de vacances scolaires. Officiellement, c’est la journée nationale
du nettoyage des tombes, un peu comme notre Toussaint à nous, mais en avril.
Contrairement à mes récits du premier semestre, je
ne vais pas trop m’attarder sur les personnes rencontrées au cours du spring semester.
Parce que ça n’a pas toujours été très fun,
Pour ne pas étaler la vie des gens sur internet,
Parce qu’au final j’ai surtout gardé contact avec
mes amis du premier semestre,
Et parce que j’ai pas que ça à faire d’écrire ce
blog, na-mé-ho.
Disons simplement que les deux premières semaines
j’étais plutôt seul : mon meilleur ami était reparti en Corée, le Japonais
m’avait subitement remplacé par un groupe de nippons (TRAHISSEUR !), et
tous mes ex-classmates avaient cours l’après-midi. Même si je mangeais tous les
midis avec différents Philippins dont j’oubliais le nom d’une fois sur l’autre
(souvenez-vous qu’ils sont deux virgule douze millions à Tsinghua), je passais
mes après-midi à travailler seul au Paradiso Cafe. L’Italienne de ma classe ou des
Philippins m’y rejoignaient parfois, mais ils ne travaillaient ni aussi souvent
ni aussi longtemps que moi, alors dans l’ensemble, je m’ennuyais comme un
caillou !
J’ai fini par y rencontrer des gens super sympa
(notamment une Coréenne et un Français (kikou)), qui m’ont présenté à septante
nouvelles personnes par jour, et avec qui j’ai passé mon Qingmingjie. Nous
sommes partis à 4, en direction de Xi’an, et de Huashan.
L’organisation du séjour m’a paru un peu
stressante au départ parce qu’il fallait réserver le train en chinois (alors
qu’en vrai c’est facile, mais ça je ne le savais pas encore) et trouver un
hôtel à Huashan, qui vu depuis l’internet est un sacré trou paumé (à la base
Huashan est une montagne, mais le village du coin en a pris le nom). Après
moult hésitations sur les rares établissements à notre disposition, nous
cliquons sur « réserver ». 5 minutes après avoir rempli tous les
formulaires, et alors que nous nous apprêtions à éteindre nos ordinateurs,
satisfaits et soulagés, l’hôtel nous appelle et nous dit en mandarin « nan
nan mais on accepte pas les étrangers hein ». Nous nous rabattons donc à
la va-vite sur un autre hôtel en espérant qu’on ne dormira pas dans la rue.
Et c’est parti !
Le train rapide en Chine - soyons clair, il est
temps de mettre fin aux clichés - il POUTRE le TGV français. Plus spacieux,
plus neuf… La clientèle est assez variée, mais quand même plutôt aisée (les mingongs, eux, prennent un train lent et
doivent rester assis 32 heures d’affilée sur leur « siège dur » - car
en Chine il existe différentes catégories de sièges et de couchettes).
Rappelons quand même que Beijing-Xi’an c’est plus de 1100km, mais moins de 6h
en « bullet train ».
Nous arrivons donc à Xi’an et, en tant que grosses
radasses, décidons d’éviter le taxi. Nous prenons le métro puis marchons de
longues minutes tandis que la pluie commence à nous pleuvoir un peu sur la
figure, puis à nous inonder un peu sur la figure. Heureusement, j’ai mon « GPS »
Osmand et nous guide à travers Xi’an,
qui contrairement à la ville « ancienne » à laquelle je m’attendais,
est comme toutes les grandes villes de Chine : grandes rues à angles droits
et buildings en plein concours de taille.
Nous arrivons finalement à bon port, et je découvre
ce qu’est un hôtel chinois… C’est pas cher, et pour cause : c’est un lit
et un toit, et pas grand-chose de plus. La chambre et le mobilier sont laids,
mais suffisamment confortables. Un interrupteur a été enlevé du mur mais le
trou, lui, est resté là.
La décoration est composée d’un mur blanc.
C’est très épuré. On va dire ça.
Mais après tout, on s’en tape ! Le lit n’est
pas cassé, la douche fonctionne, que demander de plus ?
<Parenthèse>
Ce que je n’ai pas trop apprécié, c’est que
quelques jours après notre retour, Booking.com m’envoie un mail me disant, en
substance, « l’hôtel nous a dit que vous êtes pas venus à votre
réservation, c’est pas bien, alors puisque c’est ça on va vous débiter vos
sousous ! ».
Heureusement, je leur ai envoyé un mail pour me
plaindre, et une madame bilingue anglais-français m’a rappelé pour me dire que
c’était l’hôtel qui faisait de la merde et qu’ils ne prélèveraient rien.
Conclusion : je recommande booking.com.
</Parenthèse>
Malgré notre fatigue, nous ressortons pour manger
et décidons de prendre le bus pour aller voir la tour du tambour et la rue
musulmane.
Je n’ai pas pris de photo de la rue musulmane. En
revanche, une Chinoise m’a pris en photo avec une maîtrise du cadrage digne
d’un caméraman de course hippique. Et avec la discrétion de Lady Gaga
chevauchant un ours : les bras tendus devant elle, elle a soigneusement
gardé son téléphone pointé sur moi tandis que j’avançais, et a
consciencieusement déclenché le flash parce que quand même, il faisait sombre. « Yes ! C’est bon ! Laowai in the box. Un jour, je pourrai
le montrer à mes arrière-petits-enfants ! »
Le lendemain, nous sommes allés voir la fameuse
armée en terre cuite. Nous partons vers 8h, pour éviter la foule, qui en
réalité nous attendait déjà de pied ferme. Une queue IMMENSE s’étalait sur la
place de la gare, et une longue attente profilait à l’horizon.
Bien évidemment, des femmes Chinoises nous tombent
dessus et nous gueulent littéralement à la figure « nan mais vazy tu viens
dans notre bus, c’est pas cher, vazy on t’emmène partout, et c’est pas la peine
de faire la queue, et vazy TU VAS MONTER OUI BORDEL, JE TE DIS DE
MOOOOOONTEEEEEEER *crise d’hystérie* ».
En Chine, certaines techniques commerciales sont
extrêmement agressives. Se faire engueuler comme du poisson pourri est
peut-être efficace sur des Chinois, mais personnellement quand on me crie
dessus avec hargne j’ai plutôt tendance à me casser. Nous sommes donc allés
faire la queue bien sagement, et nous nous sommes rapidement félicités de ce
choix.
D’abord parce que l’offre des harpies-bouledogues était
évidemment une arnaque : le prix est un peu haut, et le confort un peu nul.
Mais surtout, tu ne fais pas la queue CERTES, mais tu poireautes quand même le
temps qu’ils trouvent suffisamment de clients/pigeons pour que le trajet soit
rentable.
Alors que la queue dans laquelle nous sommes,
aussi interminable soit-elle, avance très vite. En gros, dès qu’un bus part, le
suivant commence à se remplir. Je ne pense pas que nous ayons fait la queue
plus d’une demi-heure.
Conclusion : les bus officiels sont quand
même boucou boucou mieux (avertissement : ce n’est pas la dernière fois
que vous m’entendrez dire ça sur ce blog !)
Nous arrivons sur le site de l’armée de terre
cuite, qui a été bien aménagé pour accueillir des dizaines de milliers de
touristes chaque jour.
La bonne photo
La photo réaliste
C’est très grand, et il y a en fait plusieurs
sites d’excavation, tous couverts par des hangars géants, certains assez vides,
certains mieux conservés que les autres. On regarde les statues d’en haut, de
loin, mais globalement ça n’est ni au-dessus ni au-dessous de mes espérances.
Pour remplir notre après-midi, nous visitons
d’anciens thermes, où Chang-Kaï Tchek a été retenu prisonnier, et qui se
trouvent sur le chemin du retour. Nous prenons donc le même bus qu’à l’aller, puisqu’il
s’y arrête sur le chemin du retour vers Xi’an.
Bon, c’était assez joli.
Voilà.
Mais là, c’est le drame.
Quand nous repartons, il doit être 16h environ.
Nous marchons donc jusqu’à l’arrêt de bus, mais constatons qu’aucun bus ne
s’arrête : ils reviennent tous de l’armée en terre cuite, et sont par
conséquent déjà pleins. Les seuls qui s’arrêtent sont les bus non officiels des
arnaqueurs : la gueularde de service ouvre la porte et hurle :
« TU VIENS DANS MON BUS OUI OU MAYRDE ?! », ce à quoi un Chinois
répond courtoisement « CASSE-TOI ON VEUT PAS MONTER DANS TON BUS
POURRI ». La harpie insiste poliment « NAN MAIS GOGOL RESTE PLANTÉ LA
VAZY, QUAND TU COMPRENDRAS QU’AUCUN BUS NE S’ARRETERA ICI AVANT DEMAIN MATIN TU
RIGOLERAS MOINS CONNARD ! ».
Alors que faire ? Payer un prix abusé à une
arnaqueuse qui cherche simplement à ratisser quelques sous de plus alors que son
bus est déjà plein ? Clairement, on peut voir que les personnes au fond du
véhicule se tiennent sur la pointe des pieds et évitent de respirer trop fort
histoire de ne pas se briser une côte contre la cage thoracique du voisin.
Nous cherchons d’abord un taxi, qui nous annonce
un prix EXORBITANT (genre 4 à 5 fois plus élevé que le bus).
Puis nous avons l’idée de reprendre le bus en sens
inverse, retourner à l’armée de terre cuite, et reprendre un bus vide pour
Xi’an depuis là-bas, le terminus de la ligne.
Le problème c’est que le bus qui va vers l’armée
de terre cuite nous passe sous le nez sans s’arrêter (il fallait sans doute
faire signe ?), alors nous perdons patience et montons dans un bus
d’arnaque en échange de quelques kuais. Le bus s’applique bien à faire le maaaximum
de détours possibles. En gros, il sert de moyen de transport sur mesure (comme
un taxi quoi) à tous les habitants du coin, qui bien évidemment paient 10 fois
moins que les touristes.
Et là, nous arrivons à l’armée de terre cuite, et
BIM : queue de 12 km pour avoir un bus.
Sauf que contrairement à celle du matin, cette
queue n’avance pas.
Les gens perdent patience, s’énervent. Certains
sautent la queue, ce qui nous met hors de nous. Heureusement, des policiers
sont là pour maintenir l’ordre, mais certains tricheurs passent à travers les
mailles du filet.
Alors que nous nous rapprochons trèèès lentement
du point d’embarquement, un couple double la moitié de la queue et s’insère juste
derrière nous, ce qui me donne des envies de meurtre. Mais je me contente de
froncer furieusement les sourcils sur les deux Chinois, qui font bien attention
à ne pas croiser mon regard.
C’est finalement notre tour, nous entrons… et
découvrons qu’il manque une place assise pour l’un d’entre nous. C’est contre les
règles : tout le monde doit être assis (grosse différence avec les bus
d’arnaques où les places assises représentent 0,1% des places disponibles,
tandis que les places debout, sur le toit, dans le coffre et sous les essieux
représentent 110% des places disponibles, voire plus si ça rapporte).
Nous redescendons donc, ce qui laisse deux-trois
places libres. Le couple de doubleur rentre, et le bus part.
Nous attendons genre 10 minutes de plus et
obtenons finalement une place assise. Ouf. Après deux heures de queue, on est
enfin parti.
Et heureusement, parce que nous avions un train à
prendre ! Direction : Huashan.
J’appréhendais un peu cette randonnée en montagne,
parce qu’il est de notoriété publique en Chine que pendant les vacances, le sommet
est surpeuplé de touristes. Or, Huashan est réputée pour sa dangerosité. Vu le
peu de confiance que je prête aux touristes chinois, je me voyais déjà poussé
par la foule du haut d’un précipice vertigineux.
Selon la légende, les vues sont tellement effrayantes
que de nombreux pèlerins font l’ascension de nuit, pour ne pas avoir le vertige.
Ce qui me parait être d’une absurdité et d’une gogolitude effarante. Avoir peur
c’est dangereux, mais ne pas voir où l’on pose les pieds, c’est encore pire.
Avant le départ, nous hésitions à tenter cette
escalade de nuit. Ça avait l’air d’une expérience unique, mais ça paraissait un
petit peu TROP fou.
Quand nous arrivons, il est à peu près 23h, et
nous sommes fatigués. Dès la sortie de la gare, des black cabs nous tombent
dessus et insistent très lourdement pour nous conduire à notre hôtel. Nous
filons vers un taxi officiel, très sympa et plutôt bavard, qui commence à
discuter avec nous dans un sale accent.
« Ah nan mais si vous voulez escalader la
montagne, le mieux c’est de partir maintenant ! » nous assure-t-il.
Nous tournons et retournons ses paroles dans notre
tête pendant le check-in. Ouf, l’hôtel n’est pas fictif, même si Google Map ne
le connaît pas. A vrai dire, Google Map ne connaît pas grand-chose à la ville.
Comparez l’image satellite avec le plan, vous verrez qu’on aurait bien besoin
d’une petite mise à jour…
L’hôtel (lien) est même plutôt luxueux (avec des vrais
matelas !!§), propre et relativement neuf. Le tout pour moins de 20€ par
personne et par nuit ! Vive la Chine.
Mais nous ne perdons pas de temps et organisons
une cellule de crise pour décider de notre plan d’action. Que faire ? D’un
côté, l’escalade de nuit nous tente bien. De l’autre, on ne peut pas débuter
l’ascension dans notre état de fatigue, et passer une nuit blanche.
Nous décidons donc de nous reposer quelques
heures, puis de partir. Nous allons acheter des provisions dans le magasin ouvert
24/24 qui est juste en face de l’hôtel (encore une fois : vive la Chine), nous
préparons nos sacs, et nous nous couchons.
Réveil à 4h du matin.
L’entrée du parc n’est pas très loin de l’hôtel,
et après quelques minutes d’incertitude, nous finissons par la trouver. Il fait
nuit noire, c’est le début de l’ascension.
Elle commence par un chemin pavé et assez pentu,
éclairé de lampadaires… C’est ça, la nature chinoise ?
Nous nous épuisons très vite. Il fait froid, mais
on transpire quand même comme des porcs (moi en tout cas).
Au bout de 15 min, la coréenne est en mode « continuez…
sans moi… je... je suis brisée… *dernier soupir* ». On se demande comment
on va atteindre le premier sommet, qui nous attend au bout d’une randonnée de 3-4h.
Et puis la pente se transforme en marches. Plus on
monte, plus elles se font abruptes, et plus l’air devient frais.
Et étrangement, c’est de moins en moins fatiguant.
La coréenne gambade comme une fusée, 500m devant
nous.
L’aube arrive rapidement, dès 5-6h, et nous ne
sommes donc pas au sommet à temps pour admirer le lever du soleil.
Tout au long de la montée, on trouve des magasins
qui vendent de quoi se sustenter. Evidemment, les prix grimpent avec
l’altitude : il faut payer celui qui a porté la bouffe jusqu’en haut. Et
puis, faut bien avouer que si t’as pas emporté d’eau avec toi, t’es un peu
obligé d’acheter leur bouteille à 10 kuais pour ne pas finir momifié de déshydratation.
Pareil pour le casse-croûte : c’est pas comme si Domino’s livrait ses
pizzas par hélicoptère.
Heureusement, nous avions pensé aux
provisions ! Et nous transportions donc 10kg de biscuits dans chacun de nos
deux sacs à dos. Quelle bonne idée... Dommage qu’on n’ait pas pensé à rajouter
des gros caillous et des presse-papiers dans le tas, histoire d’être bien
lestés ! Ceci dit, ce n’était qu’un challenge supplémentaire, et nous
l’avons surpassé en nous relayant à 3, laissant la coréenne, sautillante comme
un cabri hyperactif, nous narguer de haut de son pic d’avance.
Certains escaliers sont à 70-80° ! C’est
vraiment dingue d’escalader ce genre de truc.
Nous arrivons au premier sommet vers 8h. On a
l’impression qu’il est midi, parce que ça fait plus 3 heures qu’on grimpe.
Autant l’ascension avait été plutôt tranquille, autant le sommet est assez fréquenté,
car il est directement desservi par une télécabine.
On se pose sur un banc, et une chinoise vient
demander à la coréenne : « vous voulez bien nous prêter votre
ami pour une photo ? ».
Bien évidemment, elle ne s’est pas directement
adressée à moi, la non-bridation de mes yeux indiquant clairement que je ne
parle qu’Américain. Alors qu’une asiatique parle forcément chinois (pour ceux qui ne voient pas l’erreur dans cette
dernière phrase – par exemple toi, capitaine Haddock – that’s racist !).
J’accepte quand même, et une quadragénaire chinois
m’agrippe, tel un koala s’accrochant à son eucalyptus – il n’avait probablement
jamais vu de laowai de sa vie.
Je me suis flouté non pour cause d'anonymat mais de mocheté.
A la fin, toute la famille me crie « san-kyu »
(三Q)
et après m’être demandé quelques secondes s’il s’agissait d’un dialecte
chinois, je réalise qu’ils me remercient d’un « thank you », tous
fiers de leur anglais irréprochable.
Nous nous rasseyons, mais voici qu’un Chinois en
uniforme nous fait des signes (regardez sur la photo, il y en a un, avec un brassard rouge). Un de ses collèges lui dit de laisser tomber.
Nous traînons dans les environs pour prendre des photos, mais les gardes recommencent
à nous faire des signes en mode « cassez-vous » (bien sûr, en tant
qu’étrangers, il est IMPENSABLE que nous puissions les comprendre par voie de
communication orale). Tout ça pour quoi ? Pour qu’un gros monsieur –
probablement un cadre du parti – débarque avec sa clique tout droit descendue de
la télécabine et installe son popotin sur une chaise placée pour lui tout en
haut de la montagne qu’il n’a pas gravie.
Scandaleux ! Fulminé-je. La star ici, c’est
MOI ! C’est à moi qu’on demande des photos eucalpytico-koalatesques !
Moûhaaaaaa !
Le premier sommet et un bout de la clique.
Bon, c’est pas tout ça mais on n’en est qu’au
premier sommet, le plus bas ! Il nous en reste 3 ou 4…
Nous nous remettons donc en route.
On commence à être suffisamment haut pour qu’il y
ait de la neige.
L’une des choses que nous tenions à faire, c’est
le fameux « plank walk » de Huashan, cette via ferrata qui a valu à
la montagne sa réputation de « World's Most Dangerous Hiking Trail ».
Avant toute chose, il convient de clarifier
certaines choses.
1. On peut très bien aller à Huashan sans passer
par la via ferrata : ce n’est pas un passage obligé mais un cul-de-sac.
2. Oui, il y a des sensations fortes, mais
n’oublions pas que des dizaines de touristes font la traversée chaque jour (en
tout cas pendant les vacances). C’est donc moins dangereux que commercial
(comme beaucoup de choses en Chine).
Il faut payer une trentaine de kuai pour louer un
harnais de sécurité et pouvoir s’aventurer sur le plank trail.
On s’en rend difficilement compte sur les photos,
mais l’altitude est vraiment vertigineuse, et la falaise est bien verticale. En
gros, si tu tombes, tu ne t’écrase pas la gueule 30m plus bas, tu file
directement tout en bas de la montagne pour te disloquer la figure. C’est mieux
au final, ça te fait un saut en parachute gratuit, sans parachute.
Pour vous faire une meilleure idée, il y a de très nombreuses vidéos sur Youtube. En voici une courte, et une plus détaillée.
En ce qui concerne la sécurité, et bien, le bois
des planches parait plus que questionnable, et je me demande sérieusement si
les câbles auxquels nous attachons nos harnais seraient capables de nous
retenir si le bois cédait.
Mais bon, c’est le vertige qui parle, et à mon avis,
dans les faits, on ne craint rien.
Le principal challenge lorsque nous avons fait la
traversée, c’était la foule. Jusqu’ici, elle n’avait pas été aussi gênante que
ce à quoi je m’attendais, mais il faut avouer que les premières minutes de
plank walking ont été très éprouvantes.
En gros, il y avait des bouchons, car les
touristes empruntent tous le même chemin à l’aller et au retour, alors même que
deux personnes peuvent difficilement se croiser sur les planches.
Du coup, nous sommes restés coincés quelques
minutes sur l’échelle métallique, parce qu’absolument personne n’avançait. Ceux
qui voulaient monter semblaient bel et bien coincés, et ceux qui voulaient
descendre aussi. Résultat : tout le monde attendait que quelque chose se
débloque. L’un des membres de notre groupe commençait à discuter avec un autre
touriste américain pendant que la coréenne faisait un nervous breakdown.
Cette fois c'est pour cause d'anonymat.
Réalisant qu’on allait rester scotchés sur place
pour l’éternité, j’ai interrompu la conversation et j'ai réussi à laisser monter le touriste américain en me tassant dans un coin
grâce à ma connaissance approfondie de la dynamique des fluides, connaissance accumulée au cours d'années d'étude documentaire acharnée sur les chats (cf. l'image suivante). Et la situation s'est ainsi débloquée.
Je savais bien que toutes ces heures à regarder des photos de chats sur internet finiraient par payer ! Sans ça, nos squelettes seraient encore en haut de la montagne, c’est sûr !
Une fois sur les planches, pour se croiser, il
faut soit se coller à la paroi (facile), soit passer derrière, là où il y a le
vide (pas facile).
L’aller est vraiment très effrayant. Mes deux plus
grandes peurs étaient :
1. De faire tomber mon portable tout en bas de la
montagne à force de trembler comme un mouton atteint de la vache folle. C’est la raison pour laquelle je me collais à la
roche comme un bernard l'hermite enduit de superglue à chaque fois que je prenais une photo avec mon téléphone.
2. Me faire piquer mon appareil photo, que j’avais
préféré ne pas emmener avec moi et donc planqué sous un tas de sacs-à-dos, à
l’entrée du plank walk.
Bref, ce n’était pas vraiment la perspective de
tomber qui m’effrayait le plus. Bon, ceci dit, ma pose « fifoldingue »
prouve que je n’étais pas exactement comme un gant de poisson dans l’eau à ce
moment-là, parce que je ressemble plus à un héron se tenant niaisement sur une
patte qu’à un aventurier fifou trop guedin.
Après la traversée, on se retrouve sur un
promontoire assez spacieux, avec un mini-temple tout pourri creusé dans la
falaise.
Honnêtement, quand tu arrives de l'autre côté, tu te fiches complètement du temple et de la vue (qui n'est pas plus spéciale qu'ailleurs sur la montagne) : tout ce qui compte, c'est que tu as survécu et que tu es un héros fort et courageux ! (même si tu tremblais comme une feuille 10 secondes plus tôt).
Et quand il faut repartir en sens inverse, c’est
quand même beaucoup plus facile qu’à l’aller, car à ce stade-là tu
es un peu pressé d’en finir, alors tu vas plus vite, et tu laisses
magnanimement les gens qui viennent en sens inverse, encore un peu terrifiés,
se coller à la falaise pendant que tu fais la partie dangereuse en passant
derrière eux.
Et
BIM ! Done! The most dangerous hiking trail in the world™ : check. What’s
next qui ne soit pas de la gnognotte ?
Nous continuons la randonnée jusqu’à atteindre le
pic le plus haut de Huashan, et mon ami français (kikou) laisse un cadenas
inscrit de nos noms tout en haut, comme la tradition le veut.
Nous redescendons en prenant la nouvelle
télécabine (faut pas exagérer quand même, ça fait 9h qu’on grimpe !). Ce n’est
pas la même que celle dont j’ai parlé auparavant, car elle part d’un pic différent,
a été créée récemment, et mène… nulle part. De grandes infrastructures sont en
cours de construction, en bas de la montagne, mais c’est vide, neuf,
artificiel. A la chinoise. Des bus partent de cette station perdue et isolée,
et il faut les payer bien sûr, et cher, mais ça personne ne nous l’a dit quand
on a pris nos tickets de télécabine. De toute façon, ce n’est pas comme si nous
avions le choix, puisqu’il n’y a ni voiture, ni taxi à l’horizon : nous
sommes bel et bien au milieu de nulle part.
Nous prenons un premier bus, puis un second qui
nous amène devant notre hôtel. On va dans un petit resto familial, plutôt
destiné à une clientèle locale, qui nous
sert d’ENORMES assiettes de nouilles pour un prix dérisoire (genre 7 kuai), et
sur le coup j’ai l’impression que c’est le meilleur repas que j’ai eu en Chine,
mais c’est sans doute la journée d’escalade qui parle. N’empêche que comparé à
ce qu’on trouve à Beijing, la cuisine est bonne et pas chère !
Ce jour-là, on s’est couché à 19h.
Aujourd'hui, on pourrait dire que cette photo n'a plus beaucoup de sens. Je préfère la garder comme un beau souvenir, un témoignage de ce voyage inoubliable, qui restera gravé dans ma mémoire comme un épisode magique de ma vie. Même si notre groupe a volé en éclat, le cadenas restera là-haut, dans la montagne, et mes pensées aussi.
lol sé poetik mdrrrrrrrr (désolé, je ne pouvais pas laisser ça comme ça.)
lol sé poetik mdrrrrrrrr (désolé, je ne pouvais pas laisser ça comme ça.)
Cet épisode n'est d'ailleurs pas le dernier : dans le prochain article, mon voyage dans le Guangxi.