jeudi 31 octobre 2013

Xi'an, Huashan


Non non, je n’ai toujours pas lâché l’affaire.

Spéciale dédicace à Cunégonde-Bertrande Ltd., la meilleure agence de com’ au monde, et aux nombreux lecteurs qu’elle m’a rapporté (kikou C, G et M !)

Je vais vous raconter Qingmingjie.

Qingmingjie, c’est un jour férié, et par extension une période de vacances scolaires. Officiellement, c’est la journée nationale du nettoyage des tombes, un peu comme notre Toussaint à nous, mais en avril.

Contrairement à mes récits du premier semestre, je ne vais pas trop m’attarder sur les personnes rencontrées au cours du spring semester.
Parce que ça n’a pas toujours été très fun,
Pour ne pas étaler la vie des gens sur internet,
Parce qu’au final j’ai surtout gardé contact avec mes amis du premier semestre,
Et parce que j’ai pas que ça à faire d’écrire ce blog, na-mé-ho.

Disons simplement que les deux premières semaines j’étais plutôt seul : mon meilleur ami était reparti en Corée, le Japonais m’avait subitement remplacé par un groupe de nippons (TRAHISSEUR !), et tous mes ex-classmates avaient cours l’après-midi. Même si je mangeais tous les midis avec différents Philippins dont j’oubliais le nom d’une fois sur l’autre (souvenez-vous qu’ils sont deux virgule douze millions à Tsinghua), je passais mes après-midi à travailler seul au Paradiso Cafe. L’Italienne de ma classe ou des Philippins m’y rejoignaient parfois, mais ils ne travaillaient ni aussi souvent ni aussi longtemps que moi, alors dans l’ensemble, je m’ennuyais comme un caillou !

J’ai fini par y rencontrer des gens super sympa (notamment une Coréenne et un Français (kikou)), qui m’ont présenté à septante nouvelles personnes par jour, et avec qui j’ai passé mon Qingmingjie. Nous sommes partis à 4, en direction de Xi’an, et de Huashan.

L’organisation du séjour m’a paru un peu stressante au départ parce qu’il fallait réserver le train en chinois (alors qu’en vrai c’est facile, mais ça je ne le savais pas encore) et trouver un hôtel à Huashan, qui vu depuis l’internet est un sacré trou paumé (à la base Huashan est une montagne, mais le village du coin en a pris le nom). Après moult hésitations sur les rares établissements à notre disposition, nous cliquons sur « réserver ». 5 minutes après avoir rempli tous les formulaires, et alors que nous nous apprêtions à éteindre nos ordinateurs, satisfaits et soulagés, l’hôtel nous appelle et nous dit en mandarin « nan nan mais on accepte pas les étrangers hein ». Nous nous rabattons donc à la va-vite sur un autre hôtel en espérant qu’on ne dormira pas dans la rue.

Et c’est parti !

Le train rapide en Chine - soyons clair, il est temps de mettre fin aux clichés - il POUTRE le TGV français. Plus spacieux, plus neuf… La clientèle est assez variée, mais quand même plutôt aisée (les mingongs, eux, prennent un train lent et doivent rester assis 32 heures d’affilée sur leur « siège dur » - car en Chine il existe différentes catégories de sièges et de couchettes). Rappelons quand même que Beijing-Xi’an c’est plus de 1100km, mais moins de 6h en « bullet train ».

Nous arrivons donc à Xi’an et, en tant que grosses radasses, décidons d’éviter le taxi. Nous prenons le métro puis marchons de longues minutes tandis que la pluie commence à nous pleuvoir un peu sur la figure, puis à nous inonder un peu sur la figure. Heureusement, j’ai mon « GPS » Osmand et nous guide à travers Xi’an, qui contrairement à la ville « ancienne » à laquelle je m’attendais, est comme toutes les grandes villes de Chine : grandes rues à angles droits et buildings en plein concours de taille.

Nous arrivons finalement à bon port, et je découvre ce qu’est un hôtel chinois… C’est pas cher, et pour cause : c’est un lit et un toit, et pas grand-chose de plus. La chambre et le mobilier sont laids, mais suffisamment confortables. Un interrupteur a été enlevé du mur mais le trou, lui, est resté là.

La décoration est composée d’un mur blanc.

C’est très épuré. On va dire ça.

Mais après tout, on s’en tape ! Le lit n’est pas cassé, la douche fonctionne, que demander de plus ?

<Parenthèse>
Ce que je n’ai pas trop apprécié, c’est que quelques jours après notre retour, Booking.com m’envoie un mail me disant, en substance, « l’hôtel nous a dit que vous êtes pas venus à votre réservation, c’est pas bien, alors puisque c’est ça on va vous débiter vos sousous ! ».
Heureusement, je leur ai envoyé un mail pour me plaindre, et une madame bilingue anglais-français m’a rappelé pour me dire que c’était l’hôtel qui faisait de la merde et qu’ils ne prélèveraient rien.
Conclusion : je recommande booking.com.
</Parenthèse>

Malgré notre fatigue, nous ressortons pour manger et décidons de prendre le bus pour aller voir la tour du tambour et la rue musulmane.

Je n’ai pas pris de photo de la rue musulmane. En revanche, une Chinoise m’a pris en photo avec une maîtrise du cadrage digne d’un caméraman de course hippique. Et avec la discrétion de Lady Gaga chevauchant un ours : les bras tendus devant elle, elle a soigneusement gardé son téléphone pointé sur moi tandis que j’avançais, et a consciencieusement déclenché le flash parce que quand même, il faisait sombre. « Yes ! C’est bon ! Laowai in the box. Un jour, je pourrai le montrer à mes arrière-petits-enfants ! »

Le lendemain, nous sommes allés voir la fameuse armée en terre cuite. Nous partons vers 8h, pour éviter la foule, qui en réalité nous attendait déjà de pied ferme. Une queue IMMENSE s’étalait sur la place de la gare, et une longue attente profilait à l’horizon.

Bien évidemment, des femmes Chinoises nous tombent dessus et nous gueulent littéralement à la figure « nan mais vazy tu viens dans notre bus, c’est pas cher, vazy on t’emmène partout, et c’est pas la peine de faire la queue, et vazy TU VAS MONTER OUI BORDEL, JE TE DIS DE MOOOOOONTEEEEEEER *crise d’hystérie* ».
En Chine, certaines techniques commerciales sont extrêmement agressives. Se faire engueuler comme du poisson pourri est peut-être efficace sur des Chinois, mais personnellement quand on me crie dessus avec hargne j’ai plutôt tendance à me casser. Nous sommes donc allés faire la queue bien sagement, et nous nous sommes rapidement félicités de ce choix.
D’abord parce que l’offre des harpies-bouledogues était évidemment une arnaque : le prix est un peu haut, et le confort un peu nul. Mais surtout, tu ne fais pas la queue CERTES, mais tu poireautes quand même le temps qu’ils trouvent suffisamment de clients/pigeons pour que le trajet soit rentable.
Alors que la queue dans laquelle nous sommes, aussi interminable soit-elle, avance très vite. En gros, dès qu’un bus part, le suivant commence à se remplir. Je ne pense pas que nous ayons fait la queue plus d’une demi-heure.
Conclusion : les bus officiels sont quand même boucou boucou mieux (avertissement : ce n’est pas la dernière fois que vous m’entendrez dire ça sur ce blog !)

Nous arrivons sur le site de l’armée de terre cuite, qui a été bien aménagé pour accueillir des dizaines de milliers de touristes chaque jour.

La bonne photo

La photo réaliste

C’est très grand, et il y a en fait plusieurs sites d’excavation, tous couverts par des hangars géants, certains assez vides, certains mieux conservés que les autres. On regarde les statues d’en haut, de loin, mais globalement ça n’est ni au-dessus ni au-dessous de mes espérances. 



Pour remplir notre après-midi, nous visitons d’anciens thermes, où Chang-Kaï Tchek a été retenu prisonnier, et qui se trouvent sur le chemin du retour. Nous prenons donc le même bus qu’à l’aller, puisqu’il s’y arrête sur le chemin du retour vers Xi’an.




Bon, c’était assez joli.

Voilà.

Mais là, c’est le drame.

Quand nous repartons, il doit être 16h environ. Nous marchons donc jusqu’à l’arrêt de bus, mais constatons qu’aucun bus ne s’arrête : ils reviennent tous de l’armée en terre cuite, et sont par conséquent déjà pleins. Les seuls qui s’arrêtent sont les bus non officiels des arnaqueurs : la gueularde de service ouvre la porte et hurle : « TU VIENS DANS MON BUS OUI OU MAYRDE ?! », ce à quoi un Chinois répond courtoisement « CASSE-TOI ON VEUT PAS MONTER DANS TON BUS POURRI ». La harpie insiste poliment « NAN MAIS GOGOL RESTE PLANTÉ LA VAZY, QUAND TU COMPRENDRAS QU’AUCUN BUS NE S’ARRETERA ICI AVANT DEMAIN MATIN TU RIGOLERAS MOINS CONNARD ! ».
Alors que faire ? Payer un prix abusé à une arnaqueuse qui cherche simplement à ratisser quelques sous de plus alors que son bus est déjà plein ? Clairement, on peut voir que les personnes au fond du véhicule se tiennent sur la pointe des pieds et évitent de respirer trop fort histoire de ne pas se briser une côte contre la cage thoracique du voisin. 
Nous cherchons d’abord un taxi, qui nous annonce un prix EXORBITANT (genre 4 à 5 fois plus élevé que le bus).
Puis nous avons l’idée de reprendre le bus en sens inverse, retourner à l’armée de terre cuite, et reprendre un bus vide pour Xi’an depuis là-bas, le terminus de la ligne.
Le problème c’est que le bus qui va vers l’armée de terre cuite nous passe sous le nez sans s’arrêter (il fallait sans doute faire signe ?), alors nous perdons patience et montons dans un bus d’arnaque en échange de quelques kuais. Le bus s’applique bien à faire le maaaximum de détours possibles. En gros, il sert de moyen de transport sur mesure (comme un taxi quoi) à tous les habitants du coin, qui bien évidemment paient 10 fois moins que les touristes.
Et là, nous arrivons à l’armée de terre cuite, et BIM : queue de 12 km pour avoir un bus.

Sauf que contrairement à celle du matin, cette queue n’avance pas.
Les gens perdent patience, s’énervent. Certains sautent la queue, ce qui nous met hors de nous. Heureusement, des policiers sont là pour maintenir l’ordre, mais certains tricheurs passent à travers les mailles du filet.
Alors que nous nous rapprochons trèèès lentement du point d’embarquement, un couple double la moitié de la queue et s’insère juste derrière nous, ce qui me donne des envies de meurtre. Mais je me contente de froncer furieusement les sourcils sur les deux Chinois, qui font bien attention à ne pas croiser mon regard.
C’est finalement notre tour, nous entrons… et découvrons qu’il manque une place assise pour l’un d’entre nous. C’est contre les règles : tout le monde doit être assis (grosse différence avec les bus d’arnaques où les places assises représentent 0,1% des places disponibles, tandis que les places debout, sur le toit, dans le coffre et sous les essieux représentent 110% des places disponibles, voire plus si ça rapporte).
Nous redescendons donc, ce qui laisse deux-trois places libres. Le couple de doubleur rentre, et le bus part.


Nous attendons genre 10 minutes de plus et obtenons finalement une place assise. Ouf. Après deux heures de queue, on est enfin parti.

Et heureusement, parce que nous avions un train à prendre ! Direction : Huashan.

J’appréhendais un peu cette randonnée en montagne, parce qu’il est de notoriété publique en Chine que pendant les vacances, le sommet est surpeuplé de touristes. Or, Huashan est réputée pour sa dangerosité. Vu le peu de confiance que je prête aux touristes chinois, je me voyais déjà poussé par la foule du haut d’un précipice vertigineux.

Selon la légende, les vues sont tellement effrayantes que de nombreux pèlerins font l’ascension de nuit, pour ne pas avoir le vertige. Ce qui me parait être d’une absurdité et d’une gogolitude effarante. Avoir peur c’est dangereux, mais ne pas voir où l’on pose les pieds, c’est encore pire.

Avant le départ, nous hésitions à tenter cette escalade de nuit. Ça avait l’air d’une expérience unique, mais ça paraissait un petit peu TROP fou.
Quand nous arrivons, il est à peu près 23h, et nous sommes fatigués. Dès la sortie de la gare, des black cabs nous tombent dessus et insistent très lourdement pour nous conduire à notre hôtel. Nous filons vers un taxi officiel, très sympa et plutôt bavard, qui commence à discuter avec nous dans un sale accent.
« Ah nan mais si vous voulez escalader la montagne, le mieux c’est de partir maintenant ! » nous assure-t-il.
Nous tournons et retournons ses paroles dans notre tête pendant le check-in. Ouf, l’hôtel n’est pas fictif, même si Google Map ne le connaît pas. A vrai dire, Google Map ne connaît pas grand-chose à la ville. Comparez l’image satellite avec le plan, vous verrez qu’on aurait bien besoin d’une petite mise à jour…


L’hôtel (lien) est même plutôt luxueux (avec des vrais matelas !!§), propre et relativement neuf. Le tout pour moins de 20€ par personne et par nuit ! Vive la Chine.

Mais nous ne perdons pas de temps et organisons une cellule de crise pour décider de notre plan d’action. Que faire ? D’un côté, l’escalade de nuit nous tente bien. De l’autre, on ne peut pas débuter l’ascension dans notre état de fatigue, et passer une nuit blanche.
Nous décidons donc de nous reposer quelques heures, puis de partir. Nous allons acheter des provisions dans le magasin ouvert 24/24 qui est juste en face de l’hôtel (encore une fois : vive la Chine), nous préparons nos sacs, et nous nous couchons.

Réveil à 4h du matin.

L’entrée du parc n’est pas très loin de l’hôtel, et après quelques minutes d’incertitude, nous finissons par la trouver. Il fait nuit noire, c’est le début de l’ascension.


Elle commence par un chemin pavé et assez pentu, éclairé de lampadaires… C’est ça, la nature chinoise ?


Nous nous épuisons très vite. Il fait froid, mais on transpire quand même comme des porcs (moi en tout cas).
Au bout de 15 min, la coréenne est en mode « continuez… sans moi… je... je suis brisée… *dernier soupir* ». On se demande comment on va atteindre le premier sommet, qui nous attend au bout d’une randonnée de 3-4h. 
Et puis la pente se transforme en marches. Plus on monte, plus elles se font abruptes, et plus l’air devient frais.
Et étrangement, c’est de moins en moins fatiguant.
La coréenne gambade comme une fusée, 500m devant nous.

L’aube arrive rapidement, dès 5-6h, et nous ne sommes donc pas au sommet à temps pour admirer le lever du soleil.



Tout au long de la montée, on trouve des magasins qui vendent de quoi se sustenter. Evidemment, les prix grimpent avec l’altitude : il faut payer celui qui a porté la bouffe jusqu’en haut. Et puis, faut bien avouer que si t’as pas emporté d’eau avec toi, t’es un peu obligé d’acheter leur bouteille à 10 kuais pour ne pas finir momifié de déshydratation. Pareil pour le casse-croûte : c’est pas comme si Domino’s livrait ses pizzas par hélicoptère.


Heureusement, nous avions pensé aux provisions ! Et nous transportions donc 10kg de biscuits dans chacun de nos deux sacs à dos. Quelle bonne idée... Dommage qu’on n’ait pas pensé à rajouter des gros caillous et des presse-papiers dans le tas, histoire d’être bien lestés ! Ceci dit, ce n’était qu’un challenge supplémentaire, et nous l’avons surpassé en nous relayant à 3, laissant la coréenne, sautillante comme un cabri hyperactif, nous narguer de haut de son pic d’avance.

Certains escaliers sont à 70-80° ! C’est vraiment dingue d’escalader ce genre de truc.


Nous arrivons au premier sommet vers 8h. On a l’impression qu’il est midi, parce que ça fait plus 3 heures qu’on grimpe. Autant l’ascension avait été plutôt tranquille, autant le sommet est assez fréquenté, car il est directement desservi par une télécabine.


On se pose sur un banc, et une chinoise vient demander à la coréenne : « vous voulez bien nous prêter votre ami pour une photo ? ».
Bien évidemment, elle ne s’est pas directement adressée à moi, la non-bridation de mes yeux indiquant clairement que je ne parle qu’Américain. Alors qu’une asiatique parle forcément chinois (pour ceux qui ne voient pas l’erreur dans cette dernière phrase – par exemple toi, capitaine Haddock – that’s racist !).


J’accepte quand même, et une quadragénaire chinois m’agrippe, tel un koala s’accrochant à son eucalyptus – il n’avait probablement jamais vu de laowai de sa vie.

Je me suis flouté non pour cause d'anonymat mais de mocheté.

A la fin, toute la famille me crie « san-kyu » (Q) et après m’être demandé quelques secondes s’il s’agissait d’un dialecte chinois, je réalise qu’ils me remercient d’un « thank you », tous fiers de leur anglais irréprochable.
Nous nous rasseyons, mais voici qu’un Chinois en uniforme nous fait des signes (regardez sur la photo, il y en a un, avec un brassard rouge). Un de ses collèges lui dit de laisser tomber. Nous traînons dans les environs pour prendre des photos, mais les gardes recommencent à nous faire des signes en mode « cassez-vous » (bien sûr, en tant qu’étrangers, il est IMPENSABLE que nous puissions les comprendre par voie de communication orale). Tout ça pour quoi ? Pour qu’un gros monsieur – probablement un cadre du parti – débarque avec sa clique tout droit descendue de la télécabine et installe son popotin sur une chaise placée pour lui tout en haut de la montagne qu’il n’a pas gravie.
Scandaleux ! Fulminé-je. La star ici, c’est MOI ! C’est à moi qu’on demande des photos eucalpytico-koalatesques ! Moûhaaaaaa !

Le premier sommet et un bout de la clique.

Bon, c’est pas tout ça mais on n’en est qu’au premier sommet, le plus bas ! Il nous en reste 3 ou 4…
Nous nous remettons donc en route.


On commence à être suffisamment haut pour qu’il y ait de la neige.

L’une des choses que nous tenions à faire, c’est le fameux « plank walk » de Huashan, cette via ferrata qui a valu à la montagne sa réputation de « World's Most Dangerous Hiking Trail ».


Avant toute chose, il convient de clarifier certaines choses.
1. On peut très bien aller à Huashan sans passer par la via ferrata : ce n’est pas un passage obligé mais un cul-de-sac.
2. Oui, il y a des sensations fortes, mais n’oublions pas que des dizaines de touristes font la traversée chaque jour (en tout cas pendant les vacances). C’est donc moins dangereux que commercial (comme beaucoup de choses en Chine).
Il faut payer une trentaine de kuai pour louer un harnais de sécurité et pouvoir s’aventurer sur le plank trail.

On s’en rend difficilement compte sur les photos, mais l’altitude est vraiment vertigineuse, et la falaise est bien verticale. En gros, si tu tombes, tu ne t’écrase pas la gueule 30m plus bas, tu file directement tout en bas de la montagne pour te disloquer la figure. C’est mieux au final, ça te fait un saut en parachute gratuit, sans parachute.

Pour vous faire une meilleure idée, il y a de très nombreuses vidéos sur Youtube. En voici une courte, et une plus détaillée.

En ce qui concerne la sécurité, et bien, le bois des planches parait plus que questionnable, et je me demande sérieusement si les câbles auxquels nous attachons nos harnais seraient capables de nous retenir si le bois cédait.
Mais bon, c’est le vertige qui parle, et à mon avis, dans les faits, on ne craint rien.

Le principal challenge lorsque nous avons fait la traversée, c’était la foule. Jusqu’ici, elle n’avait pas été aussi gênante que ce à quoi je m’attendais, mais il faut avouer que les premières minutes de plank walking ont été très éprouvantes.
En gros, il y avait des bouchons, car les touristes empruntent tous le même chemin à l’aller et au retour, alors même que deux personnes peuvent difficilement se croiser sur les planches.
Du coup, nous sommes restés coincés quelques minutes sur l’échelle métallique, parce qu’absolument personne n’avançait. Ceux qui voulaient monter semblaient bel et bien coincés, et ceux qui voulaient descendre aussi. Résultat : tout le monde attendait que quelque chose se débloque. L’un des membres de notre groupe commençait à discuter avec un autre touriste américain pendant que la coréenne faisait un nervous breakdown.

Cette fois c'est pour cause d'anonymat.

Réalisant qu’on allait rester scotchés sur place pour l’éternité, j’ai interrompu la conversation et j'ai réussi à laisser monter le touriste américain en me tassant dans un coin grâce à ma connaissance approfondie de la dynamique des fluides, connaissance accumulée au cours d'années d'étude documentaire acharnée sur les chats (cf. l'image suivante). Et la situation s'est ainsi débloquée.


Je savais bien que toutes ces heures à regarder des photos de chats sur internet finiraient par payer ! Sans ça, nos squelettes seraient encore en haut de la montagne, c’est sûr !

Une fois sur les planches, pour se croiser, il faut soit se coller à la paroi (facile), soit passer derrière, là où il y a le vide (pas facile).

L’aller est vraiment très effrayant. Mes deux plus grandes peurs étaient :
1. De faire tomber mon portable tout en bas de la montagne à force de trembler comme un mouton atteint de la vache folle. C’est la raison pour laquelle je me collais à la roche comme un bernard l'hermite enduit de superglue à chaque fois que je prenais une photo avec mon téléphone.
2. Me faire piquer mon appareil photo, que j’avais préféré ne pas emmener avec moi et donc planqué sous un tas de sacs-à-dos, à l’entrée du plank walk.
Bref, ce n’était pas vraiment la perspective de tomber qui m’effrayait le plus. Bon, ceci dit, ma pose « fifoldingue » prouve que je n’étais pas exactement comme un gant de poisson dans l’eau à ce moment-là, parce que je ressemble plus à un héron se tenant niaisement sur une patte qu’à un aventurier fifou trop guedin.


Après la traversée, on se retrouve sur un promontoire assez spacieux, avec un mini-temple tout pourri creusé dans la falaise.

Honnêtement, quand tu arrives de l'autre côté, tu te fiches complètement du temple et de la vue (qui n'est pas plus spéciale qu'ailleurs sur la montagne) : tout ce qui compte, c'est que tu as survécu et que tu es un héros fort et courageux ! (même si tu tremblais comme une feuille 10 secondes plus tôt).

Et quand il faut repartir en sens inverse, c’est quand même beaucoup plus facile qu’à l’aller, car à ce stade-là tu es un peu pressé d’en finir, alors tu vas plus vite, et tu laisses magnanimement les gens qui viennent en sens inverse, encore un peu terrifiés, se coller à la falaise pendant que tu fais la partie dangereuse en passant derrière eux.

Et BIM ! Done! The most dangerous hiking trail in the world™ : check. What’s next qui ne soit pas de la gnognotte ?

Nous continuons la randonnée jusqu’à atteindre le pic le plus haut de Huashan, et mon ami français (kikou) laisse un cadenas inscrit de nos noms tout en haut, comme la tradition le veut.




Nous redescendons en prenant la nouvelle télécabine (faut pas exagérer quand même, ça fait 9h qu’on grimpe !). Ce n’est pas la même que celle dont j’ai parlé auparavant, car elle part d’un pic différent, a été créée récemment, et mène… nulle part. De grandes infrastructures sont en cours de construction, en bas de la montagne, mais c’est vide, neuf, artificiel. A la chinoise. Des bus partent de cette station perdue et isolée, et il faut les payer bien sûr, et cher, mais ça personne ne nous l’a dit quand on a pris nos tickets de télécabine. De toute façon, ce n’est pas comme si nous avions le choix, puisqu’il n’y a ni voiture, ni taxi à l’horizon : nous sommes bel et bien au milieu de nulle part.



Nous prenons un premier bus, puis un second qui nous amène devant notre hôtel. On va dans un petit resto familial, plutôt destiné à une clientèle locale, qui  nous sert d’ENORMES assiettes de nouilles pour un prix dérisoire (genre 7 kuai), et sur le coup j’ai l’impression que c’est le meilleur repas que j’ai eu en Chine, mais c’est sans doute la journée d’escalade qui parle. N’empêche que comparé à ce qu’on trouve à Beijing, la cuisine est bonne et pas chère !

Ce jour-là, on s’est couché à 19h.



C’était ma photo préférée de tout le voyage, parce que j’étais heureux de partager un tel moment avec ces trois individus aux noms mélodieux. Je pensais que c'était le premier d'une série de voyages, mais c'était en fait le dernier, car le groupe a implosé dans un beau mélodrame, peu de temps après notre retour.

Aujourd'hui, on pourrait dire que cette photo n'a plus beaucoup de sens. Je préfère la garder comme un beau souvenir, un témoignage de ce voyage inoubliable, qui restera gravé dans ma mémoire comme un épisode magique de ma vie. Même si notre groupe a volé en éclat, le cadenas restera là-haut, dans la montagne, et mes pensées aussi.

lol sé poetik mdrrrrrrrr (désolé, je ne pouvais pas laisser ça comme ça.)

Cet épisode n'est d'ailleurs pas le dernier : dans le prochain article, mon voyage dans le Guangxi.